LE REFUS DE SOINS CHEZ LES PATIENTS ATTEINTS DE LA MALADIE D’ALZHEIMER

LE REFUS DE SOINS CHEZ LES PATIENTS ATTEINTS DE LA MALADIE D’ALZHEIMER

senior faché

La maladie d’Alzheimer est un problème majeur de santé publique et la troisième cause de mortalité en France derrière le cancer et les maladies cardio-vasculaires. Les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer sont actuellement un million en France et ce chiffre sera multiplié par trois d’ici 2050. Un français sur deux a une personne atteinte de cette maladie dans son entourage.

Cette maladie est caractérisée par l’apparition de nombreux troubles psychologiques et comportementaux qui s’intensifient à chaque passage de stade pathologique. Parmi ces troubles, il y a l’agressivité, l’agitation et l’opposition. Moi-même ayant été Aide-soignante dans des unités spécialisé Alzheimer, j’ai été confronté au refus de soins. Cela nous permet de s’interroger sur l’attitude à avoir en face de cette résistance.

Dans un premier temps, j’aborderai la définition du soin en général, avant de me pencher dans un deuxième temps sur le refus de soin et sa spécificité chez un Alzheimer. Ensuite, pour conclure, je vous donnerai quelques points afin de savoir comment réagir si vous êtes  confrontés à ce problème.

I – QU’EST-CE QUE LE SOIN ?

Selon l’OMS, le soin est défini comme : la capacité de garantir à chaque patient la combinaison d’actes diagnostiques et thérapeutiques qui lui assureront le meilleur résultat en terme de santé, conformément à l’état actuel de la science médicale, au meilleur coût pour un même résultat, au moindre risque iatrogène et pour sa plus grande satisfaction en termes de procédures, de résultats et de contacts humains à l’intérieur du système de soins.

Pour faire plus simple, le personnel paramédical (aide-soignant et infirmier notamment) applique la règle des quatorze besoins fondamentaux de Virginia Henderson (infirmière) qui a été listé en 1969.

Les 14 besoins fondamentaux :

1 – Besoin de respirer

2 – Besoin de boire et manger

3 – Éliminer

4 – Se mouvoir et maintenir une bonne posture

5 – Dormir et se reposer

6 – Se vêtir et se dévêtir

7 – Maintenir sa température

8 – Être propre, protéger ses téguments

9 – Éviter les dangers

10 – Communiquer

11 – Agir selon ses croyances et ses valeurs

12 – S’occuper en vue de se réaliser

13 – Besoin de se récréer, se divertir

14 – Besoin d’apprendre

A cela s’ajoute la qualité de soins :

Éfficacité : les soins permettent de restaurer ou maintenir la santé.

Adéquation : les soins s’appuient sur les dernières  connaissances scientifiques disponibles

Équité : les soins sont assurés avec impartialité et équité.

Efficience : les soins effectués sont ceux qui permettent le meilleur résultat au moindre coût.

Sécurité : les soins sont assurés dans la protection du patient avec l’absence de tout événement pouvant le mettre en danger.

Accessibilité : les soins sont prodigués quel que soit l’origine, le lieu d’habitation, le handicap ou les ressources financières du patient.

Continuité : la prise en charge du patient est continue tout le long de son parcours de soins.

Prise en compte des besoins du patient.

homme pas content

II – QU’EST-CE QUE LE REFUS DE SOINS ?

L’article R.4127-36 de la loi du code de la santé publique stipule que « le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas ». Le droit de consentir à des soins comporte donc inévitablement le droit de les refuser.

 

Selon l’article du code de la santé publique R.1111-4 relatif au droit des malades : « aucun acte médical, ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment »

 

Si la personne refuse le soin, même après négociation, alors, il est attendu de la part des soignants de respecter ce choix et de tracer la décision éclairée du patient dans les transmissions. La situation est bien différente lorsque le patient ne réalise pas les conséquences de son refus. Cette difficulté à comprendre peut-être due, par exemple, à des troubles cognitifs. En effet, il n’est pas rare dans les établissements de santé ou à domicile de se trouver en face d’un patient Alzheimer qui refuse catégoriquement les soins.

 

Qu’est-ce que le refus de soins chez un patient Alzheimer ?

 

La HAS a dressé une liste des différents SPCD (Symptômes Psychologiques et Comportementaux de la Démence) parmi lesquelles on retrouve :

 

L’opposition qui correspond au refus, de la part du patient : des soins, de s’alimenter, d’assurer son hygiène, de respecter les règles sociales, de coopérer. Elle est parfois interprétée à tort comme de l’agressivité ou un désir de nuire, mais elle peut avoir des raisons très variées.

 

L’agitation est une activité verbale, vocale ou motrice inappropriée, ne résultant pas selon un observateur extérieur d’un besoin ou d’un état de confusion. Elle peut être verbale (cris, verbalisations stéréotypées) ou physique (activités excessives, inappropriées ou sans objectif précis).

 

L’agressivité peut être physique ou verbale et est un comportement qui est perçu par l’entourage du patient comme violent envers les personnes ou les objets. Elle est souvent assimilée à une menace ou un danger pour l’environnement ou le patient lui-même. L’agressivité peut être la conséquence de l’agitation, mais peut être indépendante.

 

Les comportements de déambulation inadaptés sont parfois assimilés à l’agitation. Il peut s’agir de vérification, poursuite incessante, activité répétitive ou excessive, déambulation sans but apparent ou dans un but inapproprié, déambulation nocturne, errance, nécessité d’être reconduit au domicile. Ils concerneraient plus souvent des hommes peu âgés, ayant un déficit cognitif important et ayant également des troubles du sommeil.

 

La désinhibition correspond à un comportement impulsif et inapproprié par rapport aux normes sociales ou familiales au moment où ce comportement est observé. Ceci peut se manifester par une tendance à la distraction, à l’instabilité des émotions, à des comportements inadaptés ou sans retenue : errance, attitudes sexuelles incongrues, comportement impudique ou envahissant, agressivité envers soi-même ou autrui.

 

Les cris ou les comportements vocaux inadaptés (hurlements, plaintes vocales, des demandes répétitives, etc.) sont des verbalisations compréhensibles ou non, fortement perturbantes pour l’entourage et tout particulièrement en institution. Ils sont le plus souvent l’expression d’une détresse psychologique, d’un inconfort, de demandes d’attention, et sont plus fréquents en cas de démence sévère avec un degré élevé de dépendance.

 

Les symptômes psychotiques regroupent les idées délirantes et les hallucinations. Les idées délirantes sont des perceptions ou des jugements erronés de la réalité par le sujet. Les thèmes les plus fréquents sont le vol, le préjudice, la non-identification du domicile ou d’un membre très proche de la famille (délire de la présence d’un imposteur ou de sosies), l’abandon, la jalousie. Le sentiment d’être abandonné, rejeté, est fréquent en institution. Le délire peut être en relation avec des hallucinations sensorielles. Le caractère délirant du symptôme est lié au fait que le patient a la conviction que ces éléments irréels qu’il rapporte sont vrais.

 

Les hallucinations sont des perceptions sensorielles sans objet réel, alors que les illusions sont des déformations ou des interprétations de perceptions réelles. L’ensemble des modalités sensorielles peut être affectées. Certains comportements sont complexes et peuvent être rattachés à d’autres comportements qu’il faut préciser. Il peut s’agir :

De comportements dits « anxieux » ;

D’attitudes d’agrippement à des personnes ou à des objets ;

De comportements stéréotypés, répétitifs.

 

Il est essentiel de noter que certains facteurs pourraient être à l’origine des troubles du comportement comme la douleur ou des problèmes somatiques. La psychomotricienne C. Delamarre (2011) rejoint cette idée en écrivant : « ces troubles ne sont jamais gratuits, ils manifestent un mal-être moral ou physique qu’il faut prendre en compte »

III- COMMENT RÉAGIR EN FACE D’UN REFUS DE SOIN ?

Les personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer sont uniques dans leur prise en charge. Il faut déjà admettre que le refus est légitime et être certain que la douleur physique ou morale peut être prise en compte. Il est donc nécessaire d’établir un dialogue permettant de comprendre le refus du patient.

Présentation d’un cas auquel j’ai été confronté.

Lors de mes jeunes années d’aide-soignante diplômée j’ai été confronté à un refus de soin chez un patient atteint d’Alzheimer. En effet, il est noté quasi quotidiennement le refus de la toilette par Monsieur B. ֤Étant la petite nouvelle du service j’étais le seul membre du personnel qui n’avait pas été confronté à Monsieur B autant vous dire que les trois premiers jours se fut un véritable fiasco. Je parvenais au même résultat bien que je fasse tout mon possible pour essayer de convaincre Monsieur B.

Au début de l’après-midi du troisième jour, lors de la mise à la sieste de Monsieur B, je remarquais que sa chambre était pleine de bibelots et notamment des ours polaires. Je décidai donc d’en parler avec l’équipe soignante puis avec Monsieur B lors de son goûter. J’appris avec stupéfaction que Monsieur B adorait la montagne et notamment les ours polaires, son rêve de jeunesse aurait été de les voir en chair et en os.

La diversion étant un excellent moyen d’obtenir l’acceptation du soin par le patient, je demandais à la famille s’il y avait possibilité d’avoir une peluche à l’effigie de l’animal que j’ai obtenu le soir même. De mon côté je demandais à l’animateur du service s’il avait du scotch de couleur et des feuilles adhésives résistantes à l’eau. Nous entreprîmes avec l’accord de la direction à faire un décor de montagne avec des ombres d’ours dans la douche de Monsieur B tandis qu’il dînait ce soir-là.

Le lendemain, j’ai voulu accompagner à la toilette Monsieur B et j’eus un non catégorique. Je sortis de son placard, l’ours polaire en peluche et pris le temps de converser avec Monsieur B sur le sujet. Monsieur B étant totalement détendu, je lui répondis que son ours aimerait lui montrer une surprise. Monsieur B se leva sans rechigner pour aller dans la salle de bain. Je proposai une douche à Monsieur B et son ours afin qu’ils soient tout pimpant pour une promenade l’après-midi même. Je reçus un oui massif. À partir de là, tant que Monsieur B avait sa peluche il ne refusait plus la toilette et cela a été inscrit au protocole de soin.

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IV- QUELLES RÉACTIONS FAUT-IL GARDER À L’ESPRIT EN FACE D’UN REFUS DE SOIN ?

– Accueillir et accepter le refus, même si c’est dur

– Ne pas avoir de réactions brutales, agressives ou autoritaires, car cela crée de l’anxiété.

– soyez doux, rassurant, établissez un bon contact visuel, et tenter une diversion : chant, collation, boisson, temps supplémentaire par exemple en faisant son lit en premier, bref tout ce qui peur l’orienter vers autre chose.

 

– Il faut garder à l’esprit que ce qu’on demande peut-être anxiogène et auquel cas si possible testé des pistes qui permettent d’y remédier. Une partie des réponses peuvent se trouver dans l’histoire du patient : envie, goûts, habitudes de vie…)

 

– Utiliser des mots simples et éviter les sources de distraction.

 

– Appuyez-vous sur l’ensemble des intervenants professionnels lui procurant des soins.

 

NB : quel que soit le stade la maladie d’Alzheimer, la communication est primordiale. Tout comportement verbal ou non est la façon de communiquer de votre patient ou proche.

Alzy récapitule pour vous :  

– Le refus de soin chez un malade d’Alzheimer est normal et il convient de l’accepter.

– Il faut s’assurer que le soin que l’on veut faire n’est pas anxiogène ; sinon, il faut chercher à y remédier.

– La diversion est une possibilité d’obtenir l’accord de soin, si elle est bien menée.

– Il convient de vous concentrer sur l’histoire de la personne dont vous chercher l’accord et pas sur le soin en lui-même en premier lieu. N’hésitez pas à réfléchir en collaboration avec l’ensemble des intervenants professionnels qui interagissent avec la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer.

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