Qu’est-ce que le burn-out des aidants ?

QU’EST-CE QUE LE BURN-OUT

DES AIDANTS ?

charge mentale

Accompagner au quotidien un proche en perte d’autonomie ou vivant avec une maladie neurodégénérative évolutive est une évidence pour beaucoup d’aidants. Cependant, c’est un travail qui demande beaucoup de temps, d’énergie et nos émotions font des montagnes russes. En plus de prendre en charge la perte d’autonomie, l’aidant partage avec son proche sa souffrance ainsi que ses angoisses face à la maladie.

 Malgré toute la bienveillance de l’aidant, ses émotions peuvent être négatives : colère, tristesse, culpabilité, lassitude… La flamme bienveillante qui l’animait vacille de plus en plus et les ressentiments émergent.

 Arrive alors la spirale infernale où l’aidant par fatigue se rend moins ouvert et disponible, c’est le burn-out.

Mais, qu’est-ce que le burn-out ? Quelles sont les conséquences sur la santé de l’aidant ? Et comment l’éviter ?

I – QU’EST-CE QUE LE BURN-OUT ?

 

 

DÉFINITION

 Selon l’OMS, le burn-out est donc décrit comme « un syndrome résultant d’un stress chronique au travail qui n’a pas été géré avec succès » et qui se caractérise par trois éléments « un sentiment d’épuisement », « du cynisme ou des sentiments négatifs liés à son travail » et « une efficacité professionnelle réduite ».

Pour la petite histoire, le terme burn-out d’origine anglo-saxonne a été emprunté à l’industrie aérospatiale. Il désigne en effet l’épuisement du carburant d’un avion ou d’une fusée, susceptible d’entraîner une surchauffe ou son écrasement. Il a été utilisé en médecine pour la première fois, dans les années 70.

 C’est une image plus que parlante, l’ayant moi-même vécue en tant qu’aidante. Être aidant c’est être en super-vigilance H24 (on pense à l’avenir et on se dit qu’il sera terrible) au point de ne pas avoir conscience qu’on est arrivé à son point de rupture.

Être aidant, c’est donner de son temps, de son énergie, de ses émotions à une personne qui n’est plus tout à fait celle que l’on a connue. C’est donner de sa personne sans être forcément reconnu en retour. Ou que votre proche ne se rende pas compte qu’il est trop demandeur et pense qu’il vous demande que quelques petites choses de temps en temps.

Lorsqu’on accompagne une personne atteinte de troubles neurocognitifs, on se met dans une situation de pression incontrôlable ou l’on se dit que si la maladie s’aggrave c’est forcément parce qu’on n’aura pas été capable d’aider notre proche comme il se doit.

De plus, il y a aussi le fait que votre proche n’a pas conscience de sa maladie.

Et le plus difficile dans mon cas, c’était de constater que la société ne reconnaisse pas le fait qu’un aidant fait le travail de plusieurs personnes en plus du sien. Et personne ne nait aidant, on le devient.

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II- QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES D’UN BURN-OUT SUR LA SANTÉ DE L’AIDANT ?

Le burn-out est une maladie reconnue par l’OMS et cette pathologie affecte psychologiquement et physiquement la personne touchée. Elle parvient même à impacter la personnalité et cela produit pas mal de conséquences.

 

Un aidant touché par le burn-out sera :

 – dans l’incapacité de gérer ses émotions.

On passe facilement du calme apparent à la crise de larmes ou la colère. On peut même se placer dans une phase totale de renonciation même si la personne est d’un naturel calme, joyeux, dynamique et positif.

– plus sujet aux infections, aux douleurs musculaires, aux migraines…

Ce qui est normal. La fatigue s’accumulant ainsi que le manque de sommeil, l’organisme se défend plus difficilement. Et c’est sans compter le manque de concentration qui peut faire faire des erreurs et engendre des soucis pour mémoriser des informations.

 

– incapable d’être lui-même 

À force de ne pas vouloir faire face à ses ressentis l’aidant va se replier inconsciemment sur lui-même. Quand le rôle du proche aidant devient trop lourd à porter, que sa tâche lui semble trop exigeante, son inconscient réagit pour le protéger : il lui fait prendre de la distance. L’aidant va rentrer dans une sorte de conditionnement militaire en faisant abstraction de ses émotions, si bien qu’il ne verra que du noir dans sa journée et ne sera rendra plus compte des petites victoires dans son accompagnement envers son proche.

 

– dans un cercle vicieux de culpabilité exacerbé 

L’aidant se rend compte qu’il est dépassé et ne peut plus se voiler la face et donc culpabilise énormément. Il se dévalorise. Malgré tous ses efforts, l’aidant a la sensation d’être dans une impasse.

Il est assailli par un sentiment d’échec, d’inutilité, et d’incapacité à être à la hauteur de son rôle.

Si vous observez la présence récurrente de l’un ou plusieurs de ces symptômes, remplissez une grille de Zarrit, allez voir votre médecin traitant et il vous orientera vers un professionnel pour vous aider.

 

– touché par des pathologies assimilées à un stress chronique

Accompagner un proche en perte d’autonomie ou vivant avec des troubles neurocognitifs lorsqu’on ne se repose pas, c’est entrer dans un état de stress intense chronique. Le burn-out est une maladie à prendre au sérieux, car cela peut augmenter le risque :

 

– d’avoir des maladies cardiaques

– de l’hypertension

– du diabète

– une dépression

– une dépendance aux anxiolytiques, antidouleurs, somnifères

– une dépendance au tabac, à l’alcool, aux drogues

– de perte de poids, une négligence de son apparence et de ses problèmes de santé, des douleurs ou des traumatismes liés à des tâches répétitives.

 

Et dans une certaine mesure cela augmente aussi le risque de maladie de type démence.

 

QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES SUR LE PROCHE QUE VOUS ACCOMPAGNEZ AU QUOTIDIEN ?

 

Être aidant c’est être partout à la fois et penser à tout, le seul problème c’est que c’est impossible à tenir sur le long terme. Et dans le temps, vous vous rendrez compte de petits couacs dans le quotidien, cela peut être :

 

– oublier de prendre ou de vous rendre à un rendez-vous

– répondre à du courrier

– oublier de faire la lessive

– oublier d’acheter des protections

– oublier de récupérer l’ordonnance du pharmacien

– oublier de mettre à disposition tout ce dont pourrait avoir besoin les prestataires de service qui viennent au domicile…

 

Et face à cela, l’aidant surmené se mettra en colère ou pleurera, agira différemment et son proche qui ne comprendra pas ce qui se passe va s’angoisser et avoir des troubles du comportement qui augmenteront en fréquence.

 

Du côté de l’aidant vous allez devenir maltraitant en refusant de répondre pour la centième fois à la même question, refuser de réchauffer pour la troisième fois la nourriture, forcer votre proche à faire quelque chose sans chercher à le convaincre, etc.

Dans le pire des cas et cela m’est arrivée, vous pouvez faire une crise de panique rien qu’à l’idée de devoir aller prendre soin de votre proche. Comme vous ne savez pas ce qui vous arrive, vous imaginez le pire. En ce qui me concerne j’ai cru que je faisais une attaque cardiaque.

 

Votre aidance a aussi des répercussions sur votre vie personnelle. Un aidant ne se repose pas lorsqu’il rentre chez lui, c’est sa vie de famille qui prend le relais et toutes les émotions négatives ne restent pas gentiment sur le seuil de la porte. Si vous n’y prenez pas attention, votre foyer peut se déchirer jusqu’au divorce ou la séparation, votre vie professionnelle en pâtir… Le burn-out crée des situations en cascade.

Si par malchance, votre corps vous lâche et que vous finissez hospitalisée, vous ne serez plus en mesure de gérer quoi ou qui que ce soit. Prenez soin de vous, avant que cela soit trop tard.

III- COMMENT ÉVITER LE BURN-OUT ?

Évidemment, je n’ai pas de recettes magiques à vous proposer. Cependant, les conseils que je vous donne ont fait leur preuve (dans mes accompagnements en distanciel ou en présentiel) chez les nouveaux aidants, ceux qui ont déjà fait un burn-out ou ceux qui sont en pleine souffrance.

 

Conseil N°1 : Se former pour comprendre la maladie

Je sais pertinemment que certains aidants refusent catégoriquement de le faire (ils n’ont pas le temps, ni l’envie et ne considèrent pas cela comme indispensable vu que les experts ne le préconisent pas) et ils me donnent des listes de dizaines de livres sur le sujet qu’ils ont lu. Alors, oui lire sur le sujet, je suis d’accord c’est bien.

 

Mais, vous formez sur tout l’aspect communication, engagement au quotidien de votre proche, trouver des activités qui ont du sens pour lui, apprendre à désamorcer les troubles du comportement, trouver des solutions pratiques aux problèmes quotidiens, ne serait-ce pas mieux ?

 

Remarque : votre proche ne fait pas ce qu’il fait pour vous rendre chèvre ; sinon je pense qu’on aurait de sacrés troupeaux.

 

Conseil N°2 : Je suis un aidant qui se connaît et se fixe des limites.

Entre votre envie d’être parfait et totalement autonome et la possibilité que vous y arrivez sur le long terme sans le moindre couac, croyez-moi il y a tout un monde.

Voici une petite liste de ce que vous allez devoir affronter. Demandez-vous en toute franchise si vous pouvez le faire ou pas. Soyez honnête envers-vous.

 

Êtes-vous prêt à :

 

– Gérer le budget, les documents et les biens de votre proche au quotidien ?

– Aider votre proche dans ses soins intimes ?

– Accompagner votre proche à l’ensemble de ses rendez-vous ?

– Prendre des vacances sans vous sacrifier ?

– Parler avec lui de sa protection juridique ?

– Parler avec lui d’un placement temporaire ou en ehpad ?

– Connaître ses dernières volontés ?

– Faire des travaux dans le logement ?

– Accompagner votre proche pour faire ses achats de provisions ou des sorties ?

– Agir de manière clinique en cas de fausse route ?

– Accepter que votre proche ne mange plus avec des couverts ?

– Faire votre deuil blanc ?…

 

Conseil N°3 : À l’impossible, nul n’est tenu

Désolé de vous contrarier, mais si vous l’avez oublié votre journée fait 24 heures comme chez tout le monde. Dans ce temps, il vous faut des pauses et aussi des repas sains, complets et non pris sur le pouce dès que vous avez 10 secondes.

De plus, gardez votre vie sociale. Si avant de devenir aidant vous aviez des loisirs, vous n’avez pas à les sacrifier. Et si vous aviez la pause café papote avec des amis, c’est pareil. Votre santé mentale ne doit pas tourner uniquement autour des besoins de votre proche, les vôtres comptent tout autant.

Remarque : dans le mot aidant, il y a aide. Pas je fais ce travail en H24. Vous êtes un aidant, pas un professionnel de santé.

 

Conseil N° 4 : partage de responsabilités

Je sais que ce n’est pas évident d’admettre qu’on peut plus faire face ou de faire des choses dont n’a pas envie juste parce qu’il faut bien.

En y réfléchissant honnêtement, est-ce vrai qu’il n’y a que vous, pour faire toutes ces choses et qu’il n’existe aucune solution ?

Vous ne serez pas moins respectable et admirable, parce que vous avez besoin d’aide. Il vaut toujours mieux un professionnel qui fait les choses par expérience qu’un proche qui fait les choses à contrecœur.

Votre travail d’aidant c’est d’être aimant et de partager des moments de qualité avec votre proche. Et si actuellement, vous pouvez tout gérer de A à Z facilement, projetez-vous dans l’avenir. Serez-vous toujours capable d’en faire autant dans 5 ans, 10 ans ou même plus ?

 

Conseil N°5 : Apprendre à dire non

Votre proche ne se rend pas compte de tout ce que vous faites pour lui ou elle. Ce ne sont que des petits services, votre proche ne voit pas le cumul dans le temps. Le but c’est de rendre cela concret. Achetez ou imprimer un semainier et des feutres de couleurs et dedans ; vous allez rentrer : votre emploi du temps professionnel, celui de votre vie de famille, tout ce que vous faites pour lui, n’oubliez pas les repas, les rendez-vous, les courses et tout ce que vous avez sacrifié pour lui.

  

Conseil N°6 : Planifiez du temps pour VOUS

Je ne parle pas de votre vie de famille, mais vous et uniquement. Bien sûr, je ne vous dit pas de partir en weekend en laissant tout derrière vous, mais par exemple : vous accordez un soin de beauté, aller chez le coiffeur, aller au cinéma, prendre un café en terrasse, lire un roman sur un banc, vous promenez dans la nature ….

Vous allez me dire impossible et bien non. Vous allez planifier cette pause et poser une date pour les gros événements par exemple soirée entre amis ou anniversaire de mariage, même séance de shopping.

Sinon, trouvez-vous un créneau dans la semaine que vous gardez jalousement pour vous. Votre corps et votre mental vous remerciera. Pour information, j’ai actuellement dans mes accompagnements des aidants qui ne font rien pour eux pendant près d’un mois voir plus et dans les premières choses que je mets en place, c’est leur rendre du temps pour eux en cherchant des solutions qui satisfont tout le monde.

 

Conseil N°7 : Partager vos ressentis

Il est très difficile de partager ce qu’on lorsqu’on est aidant avec ses amis, car ils ne comprennent pas forcément. Par contre, vous pouvez partager votre vécu avec d’autres aidants dans des réunions, ou sur des groupes de soutien, ou même une centrale d’écoute. Vous pouvez aussi opter pour un psychologue.

Parler cela fait du bien et parfois on voit les choses sous un autre angle. D’ailleurs, si certains hypnothérapeutes font des séances de walk and talk et que cela cartonne, ce n’est pas pour rien.

 

Conseil N°8 : Anticiper

Que votre proche soit en perte d’autonomie ou vivant avec une maladie neurodégénérative, plus vous allez anticiper, moins votre vie se compliquera. Et si vous ne savez pas par quoi commencer, rapprochez-vous d’un coordinateur autonomie senior, leurs séances découvertes sont gratuites pour la plupart et ils interviennent sur l’ensemble du territoire.

 

Pour tout ce qui est garder les capacités préservées de votre proche ou les retrouver, pensez à Montessori senior qui peut faire des miracles. Moi qui utilise cette méthode au quotidien (j’accompagne des aidants avec leurs proches vivant avec Alzheimer des stades précoce à modérément sévère), dans mes victoires, je peux dire que : j’ai des personnes à des stades très avancés qui parviennent encore à manger seule et avec des couverts. J’ai d’autres personnes qui sont capables de se doucher ou allez aux toilettes en toute autonomie. Et j’en ai même un qui est devenu animateur bénévole dans un Ehpad…

 

Conseil N°9 : On fait ami-ami avec ses émotions

Voilà, un conseil qui peut vous changer la vie. Quand j’étais aidante, j’ai mis mes émotions au placard. Mon crédo : les états d’âmes, c’est pour les faibles. Je l’ai payé au prix fort et quelques problèmes de santé actuels viennent directement de mon passé d’aidant, donc je vous en supplie ne faites pas comme moi.

Accueillir vos émotions sans les juger, c’est déjà bien. Vous en ferez l’analyse dans un second temps.

Ensuite, rapprochez-vous de professionnels qui peuvent vous apprendre à gérer vos émotions : sophrologue, musicothérapeute, professeur de yoga, cours de tai-chi, cours de tapping, visualisations positives, accupression, marche à pied, running. Bref, trouvez ce qui fonctionne pour vous.

 

NB : Apprenez à reconnaître votre  sentiment de dépassement et accordez-vous quelques instants pour respirer profondément. Cela vous  permettra de retrouver votre calme.

Alzy récapitule pour vous :

– Le burn-out de l’aidant est une maladie qui existe et qui doit être traité au plus vite.

 

– Vous avez le droit au répit. Sachez que votre plafond d’APA atteint, vous pouvez déclenchez votre droit au répit à hauteur de 500 euros par an

 

– Prenez soin de vous afin que votre aidance ne se transforme pas en souffrance.

 

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Pourquoi se sent-on coupable lorsque l’on est un aidant ?

POURQUOI SE SENT-ON COUPABLE LORSQUE L’ON EST UN AIDANT ?

soutien affectif fin de vie

Lorsque l’on devient un aidant, c’est un peu le ciel qui nous tombe sur la tête et les questions se multiplient plus vite que les réponses. De plus, on passe en mode super vigilance en permanence et notre bien-être personnel passe directement à la trappe. On met littéralement nos émotions aux orties.

Du coup, on veut tellement bien faire, voir parfaire, dès qu’il se passe un événement imprévu ou ne serait-ce qu’une petite envie de penser à soi, c’est le drame et on culpabilise.

On s’empêche de vivre. Il n’y a malheureusement pas de mode d’emploi lorsqu’on accompagne une personne vivant avec des troubles neurocognitifs évolutifs ou en perte d’autonomie, mais finalement pourquoi se sent-on aussi coupable ? Comment sortir du cercle vicieux de la culpabilité ?

I – QUELLES SONT LES DIFFÉRENTES CAUSES DE CULPABILITÉ ?

 

 

DÉFINITION

La culpabilité est un ressenti émotionnel qui apparait lorsque l’on se juge soi-même responsable d’une entorse à nos propres valeurs. C’est un mélange de honte, de tristesse, de mépris et de colère, où le regard de l’autre et le regard qu’on porte sur soi jouent pour beaucoup.

Pour le dire autrement, la culpabilité est souvent un conflit entre plusieurs parts en vous. Par exemple : une part de vous, qui a besoin de repos et une part de vous, qui veut tout donner pour aider l’autre le mieux possible.

On se sent coupable, car les différentes situations nous mettent face à nos limites et face à des contraintes extérieures fortes dans lesquelles nous perdons le contrôle.

 

LES DIFFÉRENTES CAUSES POSSIBLES À LA CULPABILITÉ DE L’AIDANT

 

Être aidant c’est un combat quotidien, car entre la vie qui est chamboulée, l’envie de bien faire, et s’imaginer en tant que superhéro responsable de son aîné, la charge mentale et physique en profite pour s’insinuer progressivement.

En ce qui me concerne, je n’ai pas trouvé que la charge mentale venait de manière sournoise. J’avais juste décidé de l’ignorer. J’étais dans un leitmotiv : c’est mes parents, j’ai besoin de personne et de toute façon personne ne m’aidera. Ils ne savent pas ce que je vis. Sacré bêtise, n’est-ce pas ?

De plus, souvenez-vous de ce que vos parents ou les adultes vous disaient quand vous étiez petit :

– Un homme ne doit pas pleurer

– Ne te mets pas en colère ce n’est pas joli pour une femme

– Montrer ses émotions, c’est montrer de la faiblesse

– Si tu pleures tu feras de la peine à…

– Dans la vie, il faut être courageux…

Pour peu que vous entendiez souvent ces phrases, votre cerveau s’est programmé pour penser et agir de cette manière. Voilà pourquoi c’est si difficile de reconnaître qu’on est que des êtres humains.

Et j’ai mis du temps à me rendre compte que je ne pouvais pas éviter les couacs (j’ai commencé mon aidance à 16 ans jusqu’à la mort de mes deux parents à 37 ans, et la culpabilité m’a submergé de nombreuses années.

La culpabilité d’être fatigué

Prendre soin d’une personne en perte d’autonomie ou atteinte d’une maladie neurodégénérative est un travail en soi et lorsque l’on doit passer son bac, car on est la seule personne à faire des études, la pression est double.

Du coup, j’avoue n’avais été qu’aux partiels et aux bacs blancs, les professeurs pensaient même qu’en tant qu’ « enfant des cités » j’avais préféré le chemin du deal et autres moyens de facilités selon leurs dires.

Je me sentais coupable d’être fatiguée de tenir ce rôle de parent-infirmier-soignant-fille et j’en passe en h24. Du coup, je pleurais dans les toilettes où la nuit en me disant que je n’avais aucun droit d’être faible.

Je ne comprenais pas qu’il fallait que j’accepte mes émotions que j’étais un être humain comme tout le monde et que ce que je faisais déjà pour eux était admirable.

 La culpabilité de ne pas être à la hauteur

À l’époque, j’avais une soif immense de tout contrôler. Je m’étais mise moi-même dans des attentes personnelles impossibles à atteindre à savoir : être aussi parfaite qu’un professionnel de santé.

Et pour cela, j’avais mon calepin et je posais des questions aux professionnels de passage. Sans succès. J’ai même eu une fois le droit à : pousse-toi de là, tu me déranges. Va traîner dehors.

Bref, comment se sentir à la hauteur dans ce type de situation.

Je me souviens aussi que je voulais être parfaite, parce que je ne voulais pas qu’on juge mes parents que cela soit sur ce qui leur arrivait ou moi et un « problème d’éducation »

On peut se sentir coupable de ne pas être un aussi bon soutien que ce qu’on voudrait, ou de devoir se faire aider par d’autres. C’est vrai, c’est douloureux de prendre conscience de nos limites. L’amour peut décupler nos forces, oui, mais jusqu’à un certain point. Si l’on cherche à dépasser ce point, on risque de craquer.

Parfois, suite au diagnostic de la maladie d’un proche, on peut inconsciemment se fixer comme objectif de le sauver, de contribuer activement à sa guérison par tous les soins qu’on lui apportera. De la même manière, lorsque les chances de guérisons s’amenuisent, on se sent coupable de n’avoir pas atteint cet objectif.

L’aidant parfait imaginé par la société n’existe pas, et le fait qu’on se sent coupable de n’être pas capable de faire mieux, cela prouve déjà qu’on est un bon aidant. Un aidant aimant son proche ne peut que bien faire.

La culpabilité de s’être énervé.

 

Je ne vous raconte même pas le nombre de fois que je me suis mise la rate au court-bouillon à cause des nerfs qui lâchent, et de nombreux aidants que j’accompagne au quotidien vivent la même chose.

Ce n’est pas évident d’être zen en permanence et accompagner un proche atteint de troubles neurocognitifs, c’est un peu comme lorsque l’on s’énerve sur un enfant en bas âge, dans les deux cas, ils ne comprennent pas ce qui nous a mis en boule. Du coup, cela leur fait peur et cela les stresse inutilement et on culpabilise encore plus en se disant que cela ne doit plus arriver.

Il faut faire attention au nombre de fois que l’on s’énerve contre un proche, car si cela revient trop souvent, c’est peut-être un début de burn-out de l’aidant et cela peut être dangereux pour votre proche mais aussi pour vous. Ce n’est pas parce que vous vous êtes énervé que vous êtes un bourreau.

La culpabilité de la promesse non tenue :

Voilà, une culpabilité très courante. Lorsque le diagnostic de perte d’autonomie ou de maladie neurodégénérative évolutive tombe, on promet à notre proche ce que nous parait faisable à ce moment précis. Exemple le plus courant : non, je ne te mettrais jamais en EHPAD.

Le souci c’est que l’on ne comprend pas toujours tous les enjeux que cela comporte : la vie familiale et professionnelle de l’aidant voir parfois médicale et les besoins spécifiques de votre proche à cet instant T, sans hélas ! Pouvoir être certain de ses besoins dans le temps.

Alors, oui, on change d’avis et on trahit notre promesse et la culpabilité nous tombe dessus. Pourtant, il suffit parfois de discuter et montrer concrètement à notre proche, tout ce que vous faites pour lui et qu’émotionnellement vous ne tenez plus le coup. Votre proche ne veut pas mettre votre santé en danger, il n’est pas conscient de toutes les petites choses qu’il vous demande. D’ailleurs, à l’impossible nul n’est tenu.

La culpabilité d’avoir honte de son proche 

Lorsque l’on est aidant, on peut être terrifié par les troubles du comportement de notre proche, car on a peur du jugement et parfois même c’est notre pudeur qui est atteinte. On choisit à regret de ne plus sortir avec notre proche, mais les gens jugent sans savoir. Cela ne signifie pas que vous êtes un mauvais aidant pour autant bien que le maintien social réduise le déclin cognitif.

Au quel cas, pensez différemment. Prenez des lieux moins fréquentés à certains horaires. Au restaurant, demandez une table intimiste. Vous pouvez aussi parfaitement demander de la finger food comme cela aucun jugement de votre proche.

La culpabilité d’aller bien

 

Face aux difficultés d’un proche, on peut se sentir coupable d’être soi-même bien-portant. Je me suis souvent dit lorsque j’étais jeune aidante et même après : pourquoi tu irais faire des choses plaisantes pour toi alors qu’eux ne peuvent pas le faire ? Du coup, je ne faisais rien, car j’avais mauvaise conscience.

Avant de me réorienter dans le médical, je ne racontais jamais non plus les trucs chouettes qui m’arrivaient à mes parents. Je culpabilisais en me disant qu’ils ne pouvaient plus vivre des événements heureux. C’est vrai que cela pouvait leur donner envie, mais penser à autre chose et voir que je vivais aussi pour moi, leur aurait fait du bien. J’ai mis des années à comprendre cela.

La culpabilité, un cercle vicieux. 

Lorsque l’on tombe dans la culpabilité à répétition cela impacte tout le monde qui cogite autour de vous. Vous risquez de devenir désagréable, voir agressif et vous continuer votre tour dans le manège coupable.

De plus, dans votre envie de toujours être plus parfait, vous allez vous retrouver faire des choses que vous ne pouvez plus contrôler ou pire prendre des risques et faire des choses auxquelles vous n’êtes pas formés. Et c’est sans compter le fait que vous allez devenir maltraitant sans le vouloir.

 

LES EFFETS NÉFASTES DE LA CULPABILITÉ

 

– L’usure morale : la culpabilité nous fait ruminer, tourner en rond mentalement, dépenser de l’énergie inutilement.

– L’autopunition : on peut en arriver à se priver de certains plaisirs, ou se flageller mentalement d’être une mauvaise personne.

– L’usure physique : la culpabilité contribue à notre épuisement, lorsqu’elle nous pousse à en faire toujours plus pour atténuer notre sentiment de faute

A chaque retour au commencement, la charge et l’épuisement sont de plus en plus importants.

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II- COMMENT SORTIR DU CERCLE VICIEUX DE LA CULPABILITÉ ?

Je vais être honnête tout de suite, je n’ai pas de recettes miracles. D’ailleurs, je fais partie des personnes qui sont extrêmement sévères envers elle-même et j’étais déjà comme cela bien avant de m’occuper de mes parents. Le seul moyen que j’ai trouvé me concernant c’est un travail sur moi-même et je dois le refaire régulièrement, car je râle sur moi-même régulièrement.

 

Franchement, quand vous réfléchissez concrètement à tout ce que vous faites pour votre proche, c’est déjà une charge colossale que vous supportez, alors culpabilisez ne sert à rien. Couchez-vous en vous disant que vous avez fait de votre mieux pour aujourd’hui.

 

Sinon, voici quelques raisons pour arrêter de vous sentir coupable

 

Raison N°1 : c’est très difficile de prendre soin d’une personne en perte d’autonomie. C’est un véritable travail, et on vous n’a rien demandé, cela vous est tombé dessus. C’est toute une organisation et des gestes techniques à acquérir, sans compter la gestion des émotions que cela soit les vôtres ou celles de votre proche.

 

Raison N°2 : un bon aidant est un aidant en bonne santé. Alors oui, sans aide extérieur, un jour on manque de sommeil, car on reste en super-vigilance. On s’interdit un sommeil réparateur et de qualité. Il ne faut pas. Si un jour vous ne vous sentez pas en forme pour aller voir votre proche et bien reporter. Cela ne signifie pas que vous l’aimez moins, mais qu’au contraire vous voulez pouvoir profiter au maximum de lui dans les meilleures conditions.

 

Raison N°3 : Un aidant stressé devient maltraitant plus facilement. Devoir gérer des emplois du temps multiples, plus votre boulot d’aidant sans compter tout ce que vous ne pouvez pas contrôler comme par exemple une mauvaise journée au bureau, une grève des transports, le petit rhume qui survient chez votre enfant, les sautes d’humeur de votre proche, il y a de quoi être stressé c’est parfaitement légitime.

Alors oui, n’hésitez pas à prendre du temps pour décompresser des professionnels ou des associations peuvent prendre le relais. Votre monde ne va pas s’écrouler parce que vous vous reposez.

 

Raison N°4 : On inverse les rôles. Faites preuve d’un peu d’imagination et imaginez des rôles inversés. Pensez-vous que vous accepteriez que votre proche s’inflige ce que vous supportez ? Accepteriez-vous qu’il mette sa vie entre parenthèse  et que son monde cogite uniquement autour de vous ?

 

Raison N°5 : Comprendre la cause. Vous avez craqué, vous vous en voulez. Je vous pose d’essayer autre chose à savoir comprendre pourquoi cela est arrivé.

 

Par exemple Pourquoi me suis-je énervé contre lui ?

 

Exemples de réponses :

parce que je suis épuisé

parce que j’ai besoin de vivre aussi ma propre vie

parce que je n’arrive pas à comprendre ses besoins.

 

Remarque : le but n’est pas de vous juger, mais d’accueillir vos émotions, sans critique.

 

Raison N°6 : On cherche les compromis pour satisfaire votre proche et aussi vous-même.

Le but va être de faire un réajustement entre votre besoin d’aider l’autre et votre besoin de repos. Voici une petite liste de questions pouvant vous aiguiller

 

De quoi mon proche a-t-il besoin ?

Suis-je la seule personne pouvant répondre à ce besoin ?

Que peut-il faire seul ?

Que puis-je confier à d’autres personnes (professionnels ou proches) ?

Puis-je l’aider d’une autre manière ?

 

Raison N°7 : Je ne suis pas tout seul. Il existe de nombreuses aides financières et humaines pour que l’aidant puisse déléguer certaines tâches à des professionnels. Si elles sont si nombreuses et variées, c’est parce que les professionnels savent à quel point le rôle d’aidant est intense souvent les professionnels ont été aidant de nombreuses années, c’est mon cas.

Vos souvenirs avec votre proche ne doivent pas devenir le souvenir d’années d’épuisement et de souffrance. Ce n’est pas parce que vous sollicitez du soutien que vous devenez moins respectable.

Alzy récapitule pour vous :

– Vous n’êtes pas coupable de ne pas pouvoir faire au-delà de votre mieux

– La culpabilité vous fragilise, et peut abîmer la relation avec votre proche

 

– Le sentiment de culpabilité est très courant. N’hésitez pas à échanger sur le sujet que cela soit avec un professionnel, une association, des amis ou d’autres membres de votre famille

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